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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 16:11

Par MARC-OLIVIER PADIS rédacteur en chef de la revue Esprit

 


Les choix de l’élection présidentielle sont surplombés par le débat sur la dette et ses incidences pour notre modèle de solidarité. Si les arguments contradictoires des économistes sur le difficile équilibre entre allégement de la dette et soutien à la croissance retiennent, à juste titre, l’attention, on s’intéresse moins à la manière dont nous allons faire face, avec des ressources publiques déclinantes, à des besoins sociaux en augmentation. Le chômage s’accroît, le coût de la vie s’alourdit, les revenus stagnent, les transferts sociaux sont fragilisés par les déficits : comment l’Etat pourra-t-il faire face ?

L’interrogation, à vrai dire, n’est pas si nouvelle, car les contraintes budgétaires pèsent dans tous les secteurs de l’action publique depuis des années. Dans de nombreux secteurs comme l’insertion, l’action médicosociale, la protection de l’environnement, la réduction des coûts s’est notamment faite par une forme de sous-traitance, recourant aux associations.

Réactivité, savoir-faire, sens de l’intérêt général : les associations ont accepté cette nouvelle image de bonne gestion, d’autant plus que des budgets conséquents, permettant de créer des emplois de permanents, l’accompagnaient. Le résultat est impressionnant pour le secteur associatif où l’emploi progresse deux fois plus vite que dans la fonction publique depuis le milieu des années 1990 (on y compte désormais près de 2 millions de salariés).

Enfin une lueur dans le tunnel de la crise ? Développer l’action associative pour mieux répondre aux difficultés sociales qui s’annoncent ? La voie est tentante, mais elle a pour contrepartie l’intégration des associations, délégataires de missions de service public, aux stratégies des politiques publiques. D’ailleurs, c’est déjà le cas : l’Etat se préoccupe de «développer, accompagner et valoriser le bénévolat» (1). Mieux, les projets de réforme de l’Etat intègrent dès leur conception l’idée de recourir aux associations pour le redéploiement de l’action. De ce point de vue, dans les secteurs où les associations sont traditionnellement présentes (handicap, enfance, environnement, loisirs, sports), on assiste moins à un «recul» de l’Etat qu’à une extension de la logique des politiques publiques à des acteurs associatifs qui perdent largement leur autonomie d’action.

On le voit par exemple avec la création d’un service civique par Martin Hirsch en 2010 : il s’agit d’une politique publique dont l’objet est d’inciter des jeunes (de 16 à 25 ans) à œuvrer au sein d’une association. De la conception à la mise en œuvre, les associations sont intégrées dans un schéma de politique publique dont elles ne maîtrisent pas la dynamique : un agrément préalable des associations est nécessaire auprès de l’Agence du service civique ou des préfets de région et un contrôle est mené par les services de l’Etat pour vérifier que le jeune est occupé dans l’association de manière à remplir une mission correspondant à l’agrément délivré pour limiter le risque de substitution à un emploi. Le monde associatif, pris dans ce type de dispositif, est-il encore capable de défendre une logique d’action propre ?

A travers l’Europe, l’année 2011 était déclarée «Année du bénévolat». Dans le programme européen, il s’agissait de célébrer la «citoyenneté active». Cette occasion de valoriser l’engagement personnel des bénévoles, dans la perspective d’une contribution au pluralisme de la vie civile, a rappelé l’image globalement positive des associations dans le grand public, mais aussi une confusion croissante des perceptions, en particulier en ce qui concerne le lien des associations et de l’Etat. De manière originale, en France, la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) a choisi de donner la parole à des citoyens pour interpeller le monde associatif (2).

L’image qui ressort de cette consultation est celle d’un monde associatif légitime, déroutant par sa diversité, dont les intentions sont louables mais qui devrait être organisé et mieux contrôlé. Selon quels critères ? Tout d’abord, malgré les nombreuses garanties données par les grandes associations à leurs donateurs et malgré les contrôles officiels, la revendication écrasante est celle de la transparence. On pense bien sûr à la transparence financière qui a fait défaut par le passé lors de scandales de détournements de fonds qui ont entaché l’image du milieu (scandale de l’ARC). Mais la revendication va en réalité au-delà : on attend de la lisibilité du secteur, dont le foisonnement inquiète, on voudrait un annuaire - ou, mieux : un organigramme, c’est-à-dire une organisation méthodique. Il faudrait aussi que les associations soient accessibles à tous, que leur action soit homogène, menée sans interruption… Enfin, on crédite le bénévole de son sens de l’engagement mais on craint en même temps la mauvaise foi du militant, on craint les dérives, le repliement sectaire, le manque de neutralité.

En somme, une association est d’autant mieux acceptée qu’elle répond à tous ces critères : légitimité, transparence, universalité d’accès, continuité et surtout neutralité. On en vient donc à cette situation étrange dans laquelle l’Etat, les associations et les citoyens organisent leurs discours autour d’une même référence : celle du service public. L’association n’est plus perçue comme une forme de contre-pouvoir ni comme le lieu privilégié d’exercice concret de la liberté. Le bénévolat associatif n’est plus l’expression d’une liberté fondamentale, une contribution à la vie civique, c’est un mode d’opération de dispositifs qui relèvent de la logique du service public. Une promotion du monde associatif, où celui-ci risque de perdre sa raison d’être.

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  • Thomas Bonne
  • Thomas Bonne
Titulaire d'un Master administration de l'entreprise, d'une licence de droit public 
Lauréat des concours administratif de rédacteur territorial 2011 et d'attaché territorial 2012 et Inspecteur des finances publiques
  • Thomas Bonne Titulaire d'un Master administration de l'entreprise, d'une licence de droit public Lauréat des concours administratif de rédacteur territorial 2011 et d'attaché territorial 2012 et Inspecteur des finances publiques

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